L'agriculture biologique en France traverse une période difficile et souffre d'une mauvaise réputation liée à ses prix, en période d'inflation. Depuis le 16 août, les agriculteurs les plus touchés peuvent bénéficier d'une aide gouvernementale temporaire.
Après des années de croissance, le bio semble perdre du terrain, du moins pour le moment. L'agriculture biologique subit davantage que les autres secteurs les conséquences de la baisse de la consommation due à l'inflation. Selon Le Monde, la part de produits bio dans les habitudes alimentaires des Français est passée de 6,4 % à 6 % en 2022.
Virginie Bouchard en témoigne. Tous ses 230 hectares à Tremblay-les-Villages en Eure-et-Loir sont passés en agriculture biologique en 2016. Depuis un an, un an et demi, elle constate : « On a perdu des clients à la ferme, des clients réguliers ».
« Ils vont nous dire qu'ils pensent que le bio est trop cher, que le porte-monnaie n'est pas extensible, que finalement c'est peut-être aussi bien en supermarché ou en local non bio. Le local c'est super, c'est vrai. Mais le local bio, c'est encore mieux. », explique Virginie Bouchard, agricultrice en bio en Eure-et-Loir.
Elle estime que 10 à 20 % de son chiffre d'affaires provenant de la vente directe ont été perdus avec ces anciens clients.
Pourtant, Virginie Bouchard assure que ses prix n'ont pas augmenté. « Et puis dire que le bio, c'est plus cher, ce n'est pas toujours vrai, pas sur tous les produits. »
Le désintérêt des Français pour le bio se traduit également par une baisse des ventes de Virginie Bouchard auprès des plateformes, comme le marché de Rungis. « Pareil, 15 ou 20 % de moins, avec probablement une compensation de leur côté avec des produits non bio. » Des difficultés qui ne concernent pas seulement Virginie Bouchard, mais aussi « les autres agriculteurs maraîchers du coin ».
En conséquence, l'exploitante a dû jeter une grande quantité d'aubergines en juillet faute de clients. Dans tout le département, Julie Valarcher constate également « de grosses difficultés à écouler les productions ». En tant qu'animatrice au groupement des agriculteurs biologiques d'Eure-et-Loir (Gabel), elle témoigne de céréaliers qui vendaient jusqu'à très tard dans l'année ou de légumiers qui ont dû jeter des pommes de terre.
Ces difficultés conjoncturelles s'ajoutent, malencontreusement, à une baisse des aides à l'agriculture biologique. Actuellement, il existe une aide à la conversion qui dure cinq ans pour les agriculteurs qui en font la demande. Cependant, l'aide au maintien en bio, qui durait également cinq ans, a été supprimée par la politique agricole commune (Pac) version 2023 (la région Centre-Val de Loire a décidé de la maintenir en 2023). « Une conversion nécessite d'importants investissements, il faut donc plus de cinq ans pour les amortir », soutient Julie Valarcher.
Toutes ces difficultés cumulées, l'animatrice du Gabel l'admet : « Depuis un ou deux ans, le moral est assez bas chez les producteurs bio, qui se sentent un peu abandonnés par les pouvoirs publics. » Virginie Bouchard, quant à elle, évoque « des nuits très courtes à se demander si on va avoir du mal à boucler ses fins de mois ». Bien sûr, pour une convaincue comme elle, l'optimisme reste de mise. « On va espérer des jours meilleurs, on va passer le cap, et on va demander aux autorités de faire passer le message », affirme l'agricultrice.
En attendant des jours meilleurs, Virginie Bouchard compte bien demander sa part de l'enveloppe débloquée par le gouvernement pour venir en aide aux exploitants bio. Il s'agit de 60 millions d'euros au total, destinés aux producteurs ayant subi une perte d'excédent brut d'exploitation en 2022-2023 de 20 % ou plus, et une détérioration de leur trésorerie, là encore, de 20 %. « C'est une aide importante, je vais faire la demande, et je vais encourager tout le monde à le faire. » Une nécessité pour soutenir une agriculture vertueuse en matière d'environnement, de biodiversité, de qualité de l'eau et d'émissions de gaz à effet de serre, énumère-t-elle.
Cette aide est importante, « mieux que rien », mais « pas suffisante » selon Julie Valarcher. La Fédération nationale d'agriculture biologique avait qualifié cette enveloppe de « symbolique » en mai compte tenu des difficultés du secteur. Le guichet de dépôt des demandes d'aide a été ouvert le mercredi 16 août et est disponible en ligne sur le site de FranceAgriMer. Il sera fermé le 20 septembre.
En Centre-Val de Loire, environ 5 % de la superficie agricole est occupée par des exploitations en agriculture biologique.
Avec Garo Kevorkian.