Le ministre de la justice a annoncé jeudi la première répartition des postes qui seront créés d'ici 2027 dans le cadre de la loi de programmation. En Normandie, 183 nouveaux postes seront créés pour les magistrats, les greffiers et les attachés de justice.
Le 19 juin dernier, lors d'une audience fictive au tribunal de Caen, le procureur avait été remplacé par un mannequin pour dénoncer le manque de magistrats. Cette action symbolique, à laquelle les médias avaient été conviés, était organisée avant la visite d'une délégation du Conseil Supérieur de la Magistrature. Selon les participants, cette visite avait pour objectif de « prendre la température sur le terrain ».
La situation n'a fait qu'empirer ces dernières années. Isabelle Besnier-Houben, secrétaire générale FO justice du personnel de greffe, parle de « 30 ans de clochardisation du ministère ». Marc Hédrich, délégué régional du syndicat de la magistrature, rappelle que tous les tribunaux manquent de personnel. Cela pose de grandes difficultés pour les magistrats, mais surtout pour les justiciables qui doivent faire face à des délais d'attente insupportables. Les annonces du ministre étaient donc très attendues.
C'est lors d'un déplacement à Colmar le 31 août que Eric Dupont-Moretti a dévoilé la première répartition des postes supplémentaires prévus dans la loi de programmation 2023-2027. Au cours des cinq prochaines années, 1 500 magistrats, 1 500 greffiers et 1 100 attachés de justice viendront renforcer les effectifs des 36 cours d'appel. Selon le garde des Sceaux, cet effort historique permettra de diviser par deux les délais de la justice.
En Normandie, 183 postes ont été annoncés. La cour d'appel de Rouen verra ainsi la création d'au moins 100 postes d'ici 2027, dont 39 magistrats, 32 greffiers et 29 attachés de justice d'ici 2025. Dans l'ex-Basse-Normandie, 83 postes devraient également voir le jour, dont 30 magistrats, 31 greffiers et 22 attachés de justice.
À la cour d'appel de Caen, une certaine satisfaction règne. Le procureur général Jean-Frédéric Lamouroux déclare que cela répond à leurs souhaits en comblant les emplois vacants et en renforçant le fonctionnement des services de la justice. Marc Hédrich, du syndicat de la magistrature, parle d'un soulagement et demande depuis longtemps un plan Marshall pour la justice française qui est en dessous des standards européens.
Isabelle Besnier-Houben, de FO justice, déclare qu'ils ne vont pas cracher dans la soupe mais restent sur leurs réserves quant à la répartition des postes. Le garde des Sceaux a souhaité que les propositions viennent du terrain et une proposition sera faite pour répartir ces emplois entre les juges et les procureurs ainsi qu'entre les six tribunaux judiciaires de la cour d'appel de Caen.
La priorité de ces nouveaux moyens sera donnée aux juridictions de premier ressort, c'est-à-dire les juridictions de proximité, où les besoins et les manques sont les plus importants. Marc Hédrich juge cela très bien car cela permettra aux justiciables d'obtenir des délais raisonnables.
En ce qui concerne la répartition des effectifs de greffiers par rapport aux magistrats, Isabelle Besnier-Houben et le procureur général saluent le rééquilibrage. Cependant, ils s'interrogent sur la nature des postes promis par le ministère. Est-ce qu'il s'agit de créations nettes ou de remplacements de départs à la retraite ? La question se pose également pour les attachés de justice dont le rôle est en cours de définition.
Au syndicat de la magistrature, le seul bémol est le délai. Les effectifs promis sont prévus pour 2027, ce qui soulève des situations d'urgence nécessitant des solutions immédiates. Par exemple, l'un des trois postes de juge d'instruction au pôle criminel de la cour d'appel de Caen est vacant, ce qui bloque le bon déroulement des enquêtes.
La loi de programmation 2023-2027 de la justice a déjà été votée en première lecture à l'Assemblée nationale et au Sénat. Elle fera l'objet d'une commission mixte paritaire en octobre avant d'être définitivement adoptée.