La journaliste spécialisée dans les questions liées à la petite enfance à Toulouse, Lætitia Delhon, revient sur les récentes révélations concernant les pratiques des crèches privées en France. Pour elle, il s'agit de révéler une longue période d'indifférence médiatique, la responsabilité des pouvoirs publics dans cette situation et la manière dont l'argent public est utilisé par ce secteur.
Plusieurs livres parus depuis septembre 2023 mettent en lumière les pratiques préoccupantes observées au sein de certaines crèches privées. Bien que déjà signalées dans un rapport publié en avril dernier, ces situations de maltraitance au sein de ces établissements suscitent déjà de vives réactions sur la scène politique. Lætitia Delhon, journaliste toulousaine spécialisée dans les questions liées à la petite enfance, avait déjà enquêté sur ces pratiques déviantes des crèches privées dans une enquête pour Médiapart en 2021.
Il y avait une grande omerta dans le secteur de la petite enfance, et notamment dans le développement des crèches privées au cours des vingt dernières années. Les grands médias ne montraient que peu d'intérêt pour ce secteur, qui semblait prospérer. Les acteurs privés qui ont investi ce marché n'ont pas été contrôlés par l'État, qui avait besoin de développer des places d'accueil pour permettre aux femmes d'accéder plus facilement au monde du travail. On fermait les yeux sur la manière dont ces places étaient gérées. Il y a une grande confusion sur ce qui se passe réellement, car il n'existe pas de chiffres sur les maltraitances avérées ni de remontées des services de PMI.
L'événement qui a finalement attiré l'attention médiatique et de l'opinion publique a été le décès d'un enfant dans une crèche privée à Lyon en juin 2022. Cet événement a déclenché des enquêtes qui ont révélé un système jusqu'à présent très opaque et difficile à exposer médiatiquement. Les alertes avaient déjà été émises, mais peu de parents et de professionnels témoignaient.
Le fait qu'il soit très difficile d'obtenir une place en crèche explique en partie le silence des parents. Il ne faut pas juger les parents dans ce genre d'affaires, car obtenir une place en crèche est perçu comme une opportunité précieuse. L'idéologie selon laquelle la crèche est systématiquement bénéfique pour l'enfant pousse les parents à considérer cette place comme une garantie que leur enfant sera bien traité. Être parent de jeunes enfants est difficile, et lorsqu'on obtient une place en crèche, on la garde et on veut la préserver.
Lætitia Delhon pointe du doigt la responsabilité des pouvoirs publics dans cette affaire. Les rapports de l'Inspection générale des affaires sociales et de l'IGF datant de 2017 ont mis en évidence le manque de contrôle sur les grands groupes de crèches privées largement subventionnés par des fonds publics. Des présidents de CAF ont également soulevé ce problème, mais les alertes ont été ignorées. Le secteur privé est très bien protégé et bénéficie d'un lobbying puissant. L'affaire des crèches privées rappelle celle d'Orpéa, où des maltraitances avaient également été révélées.
Le gouvernement préconise pour l'instant de multiplier les contrôles, mais Lætitia Delhon estime qu'il faut aller au-delà et mettre en place une commission d'enquête pour examiner le fonctionnement de ces groupes et l'utilisation des fonds publics qui leur sont alloués. Il est essentiel d'enquêter en profondeur sur ce système.
Il est également important de souligner que les maltraitances ne concernent pas exclusivement les crèches privées. Il y a aussi des cas de maltraitance dans les crèches publiques et associatives. Cependant, dans le système des crèches privées, il y a des individus qui s'enrichissent au détriment des professionnels mal rémunérés et des enfants mal pris en charge. La question à se poser est pourquoi l'argent de la sécurité sociale est versé à un système qui ne s'occupe pas correctement des enfants.
En résumé, les révélations sur les pratiques des crèches privées en France ont enfin attiré l'attention médiatique et de l'opinion publique. La longue indifférence médiatique et la responsabilité des pouvoirs publics sont mises en avant par la journaliste Lætitia Delhon. Une commission d'enquête devrait être mise en place pour examiner le fonctionnement de ces groupes et l'utilisation des fonds publics qui leur sont alloués. Il est également important de souligner que les maltraitances ne sont pas exclusives aux crèches privées, mais qu'elles existent aussi dans les crèches publiques et associatives. La question principale à se poser est pourquoi l'argent de la sécurité sociale est versé à un système qui ne s'occupe pas correctement des enfants.