Depuis presque deux ans, le Centre de Prise en Charge des Auteurs de violences conjugales (CPCA) de Bordeaux accueille les auteurs de violences intrafamiliales. Le vendredi 8 septembre 2023, Bérangère Couillard, ministre déléguée chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes, rend visite à cette structure, afin de faire le point sur ses actions visant à éviter la récidive et à prévenir le passage à l'acte.
Après presque deux ans d'existence, l'emplacement du CPCA est toujours tenu secret pour éviter de stigmatiser les patients. Situé à Bordeaux, ce centre a pour mission de répondre aux besoins de la Gironde, de la Dordogne, des Charentes-Maritimes et du Lot-et-Garonne. Lancé dans le cadre du Grenelle contre les violences conjugales, ce centre est géré par l'hôpital psychiatrique Charles Perrens et l'association Groupe SOS, et il accueille des auteurs de violences conjugales.
La grande majorité des personnes accueillies au CPCA sont des prévenus placés sous contrôle judiciaire ou des condamnés, mais il arrive également que des personnes se présentent volontairement. Le docteur Stéphanie Amedro, psychiatre référent de l'unité, précise que quel que soit leur statut, un rendez-vous leur est proposé. Une attestation leur est délivrée, qu'ils peuvent présenter aux services de justice si nécessaire.
Le CPCA de Bordeaux a la particularité d'être rattaché à un hôpital psychiatrique. Depuis son ouverture en novembre 2021, il a accompagné 200 individus, principalement des hommes de tous âges et de toutes conditions. Le docteur Chantal Bergey, co-coordinatrice du centre, explique que leur approche repose sur une vision globale des violences, et inclut la prise en charge des victimes, des auteurs, ainsi que des enfants impliqués.
Cette approche pluridisciplinaire demande ainsi la mise en commun de différentes compétences, comme l'explique le docteur Chantal Bergey.
Le fonctionnement du centre est le suivant : les patients ne sont pas hébergés sur place, mais reçus en ambulatoire. Lorsqu'un auteur de violence conjugale se présente, il passe par deux évaluations. Le premier rendez-vous est avec un psychologue et une assistante sociale, afin de réaliser une évaluation sociale et psychologique. Ensuite, une deuxième rencontre a lieu avec le psychologue et le psychiatre pour effectuer une évaluation plus poussée sur le plan psychiatrique. Ces évaluations permettent à l'équipe pluridisciplinaire d'analyser le comportement du patient, sa façon d'aborder les faits, et d'identifier d'éventuelles maladies ou troubles. La situation judiciaire du patient est également prise en compte. En fonction des problématiques observées, différents parcours de soins sont proposés, axés notamment sur la personnalité et les émotions.
La durée du suivi varie en fonction des patients, avec une moyenne de sept visites par auteur. Sur les 118 personnes déjà reçues en 2023, 92 ont été prises en charge pour une évaluation, et 26 ont suivi des stages de responsabilisation.
Il est encore difficile de mesurer l'efficacité de cette unité, notamment en termes de récidives. Cependant, face à l'augmentation des violences intrafamiliales, il semble que cette structure, qui avait initialement pour objectif de suivre 30 patients par an, soit sous-dimensionnée.
En effet, lors de l'inauguration du CPCA de Bordeaux, Frédérique Porterie, Procureure de la République, avait souligné une augmentation de 200% du nombre de personnes déférées entre 2019 et 2020. Les associations spécialisées reconnaissent l'utilité de cette structure, mais estiment qu'elle ne peut résoudre seule le problème de la prévention.
Naïma Charaï, directrice de l'association pour l'Accueil des femmes en difficulté (APAFED), partage ce point de vue. Elle rappelle que 1500 femmes accompagnées de 1600 enfants ont sollicité l'aide de son association à Bordeaux en 2022. Selon elle, il est important d'accompagner les auteurs de violences conjugales pour prévenir la récidive, mais cela ne résout pas la question de la prévention des violences au sein du couple, qui relève davantage de l'éducation dès le plus jeune âge. Selon elle, le CPCA est un outil intéressant mais ne peut pas être le seul à traiter ces problématiques.
Il est également souligné que la Gironde, avec le Nord, est l'un des départements qui a connu le plus de féminicides en 2021. Les professionnels s'interrogent donc sur l'efficacité du CPCA dans la prévention des récidives.
Actuellement, les soignants du centre estiment manquer de personnel pour développer davantage de prises en charge spécifiques et de groupes. Malgré cela, le CPCA de Bordeaux continue d'œuvrer pour accompagner les auteurs de violences conjugales et prévenir les récidives.