Dans la région du Jura, dans la vaste forêt de Chaux près de Dole, vivait un roi. Selon plusieurs passionnés, sa dépouille a été retrouvée quelques jours avant le début du brame. Ceux qui ont eu la chance de le voir et de le photographier témoignent de la beauté de l'animal et du respect qu'ils lui portaient.
« Vincent, tu es désormais l'âme de cette forêt, merci pour tout. Infiniment. » C'est ce qu'a écrit Olivier Trible, photographe, sur sa page Facebook pour annoncer la mort de l'animal le 28 août 2023.
« Je l'ai suivi, 10 jours, 10 nuits en 2020. Je l'ai vu en tout 1'30 ! » se souvient Olivier Trible, photographe animalier. Face à lui, se tenait un animal imposant, avec ses bois d'un mètre d'envergure ! Le photographe, caché au sol, se sentait tout petit devant une « cathédrale ». À ce moment-là, il ne se doutait pas que c'était les derniers brames de l'animal.
La dépouille du vieux cerf aurait été retrouvée sur la commune d'Eclans-Nenon, selon nos informations. « Il est allé mourir dans un endroit qu'il aimait tant », estime Olivier Trible. Le bouche-à-oreille s'est rapidement répandu parmi ceux qui suivaient le cerf depuis des années. « Il est mort de mort naturelle, je préfère ça », témoigne Jean-Louis Michel, photographe amateur. Ce passionné a eu la chance de voir Vincent une quinzaine de fois. « Il fallait bien connaître son territoire. Ça se méritait, on le voyait rarement », ajoute-t-il. Vincent, son nom vient de l'année où il a eu 20 cors, 20 ramifications autour de la partie centrale de sa ramure.
Le dernier à l'avoir photographié est sans doute Frédéric Michel. Le 25 juillet 2023, son piège a pris en photo Vincent, le cerf. « Il était maigre, je me suis dit qu'il n'allait pas aller bien loin ». Depuis trois ans, le cerf perdait ses bois et ne bramait plus, signe qu'il avait perdu sa place de dominant dans la forêt. Selon Frédéric Michel, la dépouille a été retrouvée dans un endroit où le grand cervidé se réfugiait régulièrement pour éviter les chasseurs.
« Des comme lui, des vieux cerfs, il n'y en a pas 50 en forêt de Chaux. Ça me fait quelque chose oui. C'était le plus beau de tous. Il avait touché une fois par un tir de chasse, des chasseurs l'ont même épargné. Il était un peu intouchable », confie Frédéric Michel.
Didier Parisot estime que la dépouille retrouvée est à 99% celle de Vincent. « Du fait de la forme des bois et qu'il n'avait plus de dents ». Didier ne cache pas son admiration pour le cervidé. « C'est un cerf qui a été exceptionnel. Il a fait jusqu'à 24 cors. Il est toujours passé au travers des saisons de chasse. En gabarit, ce n'était pas un grand cerf. Sa réputation a été d'avoir atteint les 24 cors ! »
À chaque fin d'hiver, les chasseurs de mues se mettaient à la recherche des bois de Vincent. « J'ai commencé à le suivre en 2019, à trouver ses habitats. On l'appelait le fantôme, ce n'est pas pour rien. J'ai trouvé cette année-là ses mues. C'est un moment mythique », se souvient Gilles Mégaradémy. « Vincent était tellement connu. J'ai appris tant sur lui. C'est un cerf qui, malgré ce que l'on croit, était plus près des hommes. Il s'aventurait effectivement près des villages. Pour mieux être en sécurité », loin des balles des zones de chasse.
Les admirateurs de Vincent espèrent que sa dépouille permettra d'examiner la mâchoire de l'animal et peut-être réaliser une coupe dentaire qui permettrait de déterminer définitivement son âge.
Contactée, l'Office National des Forêts ne confirme pas la mort de Vincent. « Nous n'apportions pas une attention particulière à ce cerf », nous explique Florent Dubosclard, directeur départemental de l'Office National des Forêts dans le Jura. « Les cerfs en forêt de Chaux, ça se compte par centaine, voire millier », estime-t-il.
« Des cerfs, il y en a beaucoup. La forêt ne pousse plus. Ce n'est pas une situation propre à la forêt de Chaux, mais dans tous les grands massifs en France, le cerf se porte bien, avec des impacts non maîtrisés », ajoute Florent Dubosclard.
Le plan chasse 2023 prévoit de prélever 400 cervidés sur les 13 000 hectares de la partie domaniale de Chaux, contre 266 en 2022, précise l'ONF.
Le nombre d'individus qui pourront être prélevés en 2023-2024 dans ce secteur passe de 392 la saison dernière à 556, soit 42% de plus sur le massif, sur les forêts domaniales et communales. Un collectif de défense des cervidés de la forêt de Chaux dénonce depuis plusieurs années la pression de chasse dans ce secteur.