Démissionnaires Éducation nationale : enseignants quittent rentrée scolaire 2023. On aimerait faire plus, mais on ne peut pas.

Angers Mag

Le nombre d'enseignants démissionnaires a fortement augmenté au cours des 10 dernières années en raison de salaires insuffisants, de mauvaises conditions de travail et d'une perte de sens dans le métier. Les enseignants sont de plus en plus nombreux à abandonner leur carrière chaque année. Par exemple, à Angers, Aurélie De Lapouze, enseignante de premier degré, a quitté l'éducation nationale pour devenir libraire. À Nantes, Aminata Bathily se pose des questions sur avenir et se demande si elle doit rester ou partir. Elle a repris ses cours de technologie au collège avec une certaine appréhension.

Aurélie De Lapouze entame une nouvelle vie en tant que libraire après avoir consacré 25 ans de sa vie à l'Éducation nationale. C'est une reconversion qu'elle avait longuement mûrie et qui lui permet de réaliser un rêve. Elle avait commencé sa carrière dans le milieu des Hauts-de-France et l'a terminée dans le Maine-et-Loire, dans une zone d'éducation d'un quartier populaire.

Aurélie explique que ce choix, elle l'a fait il y a deux ans. C'était un projet qu'elle avait depuis longtemps en tête et elle a profité de l'occasion pour l'éducation nationale. Elle souligne qu'elle s'est épanouie dans son métier d'enseignante et qu'elle y a pris énormément de plaisir, mais qu'elle avait envie de changer et d'ouvrir un jour une librairie. Elle avait initialement prévu de le faire à la retraite, mais elle s'est rendu compte qu'elle risquait d'être très âgée si elle attendait jusque-là, c'est pourquoi elle a décidé de se lancer.

Aurélie ressent tout de même une certaine nostalgie pour son métier d'enseignante, notamment pour le plaisir d'être en classe et les échanges avec les élèves et les collègues. C'était un métier passionnant et enrichissant qui lui a beaucoup apporté.

Le métier d'enseignant est un métier de responsabilités, selon Aurélie. Les enseignants ont la charge d'une classe et doivent amener les élèves à acquérir des connaissances et des compétences tout au long de l'année. C'est une responsabilité intellectuelle importante et parfois difficile à concilier avec les attentes de l'administration. Les enseignants aimeraient pouvoir faire davantage, mais ils n'en ont souvent pas les moyens.

Aurélie souligne que certains de ses collègues l'envient d'avoir eu le courage de partir. Elle estime que le courage, aujourd'hui, c'est de rester dans l'enseignement. Elle reconnaît que la reconversion en tant que libraire est une transition douce, avec de nombreux liens avec son métier précédent.

Cependant, cette reconversion n'est pas toujours facile à accepter pour l'administration, et Aurélie a dû faire une demande de rupture conventionnelle qui a nécessité une année de disponibilité et une formation supplémentaire. Cela a pris du temps et a représenté un parcours difficile. Elle est passée de l'autre côté de la barrière : d'enseignante à élève.

Aminata Bathily, professeure de technologie au collège La Noë-Lambert de Nantes, se pose des questions sur son avenir. Elle effectue sa 28ᵉ rentrée et envisage de démissionner depuis l'année dernière. Elle regrette notamment la de la technologie en 6ᵉ et se demande si son métier est considéré comme une véritable matière. Elle constate une perte de sens dans l'éducation des élèves et se demande quelle matière sera supprimée ensuite.

Aminata adore son métier d'enseignante, mais elle estime que le gouvernement ne pense plus au bien-être des élèves. Selon elle, la suppression de certaines matières, comme la technologie, prive les élèves de la possibilité de s'émanciper et de développer un esprit critique. Elle trouve cela injuste et cela remet en question la raison d'être de son métier.

Aminata constate que beaucoup de professeurs arrivent à la rentrée avec une boule au ventre et une envie de ne pas reprendre. Elle regrette que la souffrance des enseignants soit souvent minimisée et que l'opinion publique considère les professeurs comme des fainéants.

En dix ans, le nombre de démissions dans l'Éducation nationale a triplé, mais le rectorat refuse d'aborder cette réalité. Les demandes de ruptures conventionnelles augmentent chaque année, mais toutes ne sont pas acceptées. Les syndicats constatent une augmentation des appels de collègues cherchant des moyens d'arrê leur métier.

Aminata réfléchit de plus en plus à son avenir et souhaite être heureuse au travail. Cependant, elle se heurte aux contraintes financières et personnelles qui l'empêchent de prendre une décision pour l'instant.

À Angers, Aurélie De Lapouze est partagée entre sa nouvelle vie de libraire et la nostalgie de son métier d'enseignante. Elle retourne à l'école pour voir ses anciens collègues et constater comment les élèves ont grandi. Elle tourne la page regret et estime que son choix de reconversion a été bénéfique.

La démission des enseignants est un sujet délicat et peu abordé. Il y a une certaine omerta et l'idée que montrer les souffrances du système éducatif serait un mauvais signal pour la population.

Il est urgent de prendre en compte cette réalité et de chercher des solutions pour améliorer les conditions de travail des enseignants. Les enseignants ne doivent pas être considérés comme des boucs émissaires, mais comme des acteurs essentiels de l'éducation de nos enfants.