Les quartiers à faible revenu de la ville de Marseille sont davantage touchés par les îlots de chaleur, ces zones où la température est plus élevée. À l'inverse, les espaces de fraîcheur sont souvent limités aux propriétés privées. Cette inégalité climatique est soulignée par une enquête de Mediapart intitulée « Comment les riches accaparent les espaces verts ».
Selon Elisabeth Dorier, géographe et professeure à Aix-Marseille Université qui a participé à l'enquête, on peut parler d'injustice environnementale. Dans les quartiers Nord, de nombreux espaces sont entièrement bétonnés, ce qui entraîne la capture de la chaleur et une augmentation de la température localement. Un exemple flagrant est celui de Malpassé, dans le 13ème arrondissement, où plusieurs ensembles résidentiels concentrent des îlots de chaleur. Les Lauriers, par exemple, une longue barre posée sur une dalle de béton, est décrit comme un véritable radiateur par la chercheuse. De même, dans la résidence des Cèdres, des espaces de terre et des broussailles ont été remplacés par une couche de béton lors de la rénovation.
Elisabeth Dorier attribue ce problème au manque de moyens alloués aux résidences sociales, ce qui empêche la lutte contre les îlots de chaleur de devenir une priorité dans les logements publics.
D'un autre côté, les promoteurs privés utilisent les espaces de végétation pour augmenter les prix des habitations. Dans les quartiers Sud, de nombreux espaces verts sont installés, mais ils sont majoritairement enfermés à l'intérieur de résidences privées. Ces quartiers, qui abritent la bourgeoisie depuis le XIXe siècle, possèdent plusieurs anciennes maisons de campagne et petits manoirs qui forment des îlots de fraîcheur. En conséquence, la ville manque d'espaces naturels accessibles au public. Elisabeth Dorier parle même d'un « enfermement vert », avec des espaces végétalisés privatisés et clôturés. Selon elle, près de 28% de tous les espaces verts urbains à Marseille ne sont pas publics, sans compter les Calanques où ce chiffre atteint entre 50 et 74%.
Ce problème d'un manque d'espaces verts à Marseille est ancien. Selon la chercheuse, il y a un manque d'intérêt de longue date de la part de la ville pour les espaces verts. La création de parcs est rare et leur entretien laisse souvent à désirer. Marseille compte également l'un des plus faibles taux de parcs arborés publics en France.
Le problème pourrait s'aggraver à l'avenir. Les grands ensembles de béton construits dans les années 60 ont récemment été rénovés et bétonnés sans tenir compte des îlots de chaleur, selon Elisabeth Dorier, et la densification des espaces se poursuit.
En revanche, les logements proches d'espaces verts pourraient être de plus en plus recherchés, ce qui ferait augmenter les prix et les rendrait encore moins accessibles aux personnes les plus modestes. En 2022, la chaleur record de l'été a déjà causé la mort de 5 000 à 7 000 personnes en France.