C'est une première en France : le tribunal correctionnel d'Angers a condamné SNCF Réseau à une amende de 450 000 euros pour avoir porté atteinte à des oiseaux protégés et à leur habitat. Il s'agit d'une décision qui pourrait faire jurisprudence. Ces oiseaux, tels que la fauvette à tête noire et la mésange charbonnière, sont particulièrement protégés pendant la période de nidification, car leur population diminue en Europe.
SNCF Réseau, responsable de l'entretien des lignes, est accusé d'avoir porté atteinte à ces oiseaux en 2019. L'entreprise et son sous-traitant Sefa Environnement, une entreprise d'élagage, ont été condamnés par le tribunal d'Angers à des amendes respectives de 450 000 € et de 30 000 € (dont la moitié avec sursis) pour avoir porté atteinte à des espèces protégées. De plus, les deux entreprises devront verser 10 000 € aux cinq associations qui se sont portées parties civiles dans cette affaire, deux antennes locales de la LPO et trois antennes locales de France nature environnement (FNE).
« C'est un dossier qui est rare et qui pourrait faire jurisprudence », indique Benjamin Hommogat, juriste de l'association France Nature Environnement. Il affirme qu'il n'y avait jamais eu de dossier d'atteinte à des espèces protégées dans le cadre de destructions liées à des infrastructures linéaires comme les voies ferrées, les routes, les lignes électriques ou les conduites de gaz.
Tout commence en avril 2019, lorsque la voie ferrée reliant Le Mans à Angers doit être déboisée. L'entreprise sous-traitante initialement en charge des travaux se désiste, laissant un besoin urgent de débroussaillage sur près de six hectares linéaires et la coupe de 2 911 arbres. Le problème est que la période de nidification a déjà commencé. Face à l'urgence des travaux et au risque pour la circulation des trains, SNCF Réseau encourage la nouvelle entreprise, SEFA Environnement, à réaliser les travaux le plus rapidement possible. Ces travaux sont effectués entre avril et juillet 2019, soit « la pire période pour les oiseaux », selon Benjamin Hommogat de FNE.
Il n'y a pas d'interdiction claire de faire des travaux sur les haies pendant la période de nidification, contrairement à ce qui est imposé aux agriculteurs. Cependant, le code de l'environnement interdit de porter atteinte aux espèces protégées et à leur habitat.
« Le fait que cela concerne une entreprise d'envergure nationale rend les faits d'autant moins acceptables, car elle dispose des moyens nécessaires pour anticiper les coupes et ne pas se retrouver dans cette situation », souligne Benjamin Hommogat. Une enquête menée par un agent de la police de l'environnement de l'Office français pour la biodiversité a rappelé à plusieurs reprises à l'entreprise de mettre fin aux coupes et débroussaillages.
C'est cette enquête qui a conduit à la condamnation des deux entreprises par le parquet d'Angers. L'avocat de SNCF Réseau n'a pas répondu aux demandes d'interview. Les associations parties civiles sont soulagées par cette décision. Elles espèrent que cette condamnation fera désormais jurisprudence : « Quand on a des travaux d'une telle ampleur en période de nidification, on est forcément sur une atteinte à l'habitat et aux individus », analyse Benjamin Hommogat. Il ajoute que l'objectif est que ce jugement et ses principes soient connus par tous les gestionnaires d'infrastructures linéaires d'énergie et de transport.
SNCF Réseau dispose encore de 10 jours pour faire appel de cette décision.