Le procureur de la République de Rennes a demandé, le 11 septembre 2023, une peine de six mois de prison ferme à l'ancien chef de file de l'Action française pour incitation à la haine et organisation d'une manifestation illégale lors d'une lecture de drag-queens organisée à Saint-Senoux (Ille-et-Vilaine) en mai 2023.
Le samedi 13 mai 2023, quinze à vingt militants d'extrême-droite, tous masqués et cagoulés, avaient fait une irruption devant la médiathèque de Saint-Senoux, où un atelier lecture sur l'égalité de genre destiné aux enfants de 3 à 6 ans était organisé par trois drag-queens.
L'un des militants avait pu être identifié, un étudiant de Sciences-Po Rennes âgé de 24 ans et originaire du Mans (Sarthe). Il avait déjà été condamné pour avoir dégradé la vitrine de la permanence de l'ancien député LREM de la première circonscription de la Sarthe, Damien Pichereau.
Cet étudiant, connu sous le nom de Marc Visada sur les réseaux sociaux, est l'ancien chef de file de l'Action française à Rennes et le créateur du mouvement local Oriflamme, issu de la scission locale du mouvement politique maurrassien.
Le jour de l'intervention de ce groupe, ce jeune père de famille tenait le mégaphone, son visage n'étant pas complètement masqué. Il avait lu un tract qualifiant les personnes LGBT de dégénérées tout en scandant « Moins de trans, plus de France » ou encore « A nos enfants, inculquez nos racines, n'imposez pas les drag-queens »…
Ce militant d'extrême-droite estime avoir été choisi pour scander ces slogans en raison de ses qualités oratoires et parce qu'il est un peu plus courageux que les autres, c'est pourquoi il s'est aussi sacrifié en apparaissant à visage découvert. Mais il a expliqué avoir quitté le bureau politique d'Oriflamme en janvier 2023, à la naissance de son fils.
Selon lui, il ne peut donc pas être responsable d'avoir organisé une manifestation sans déclaration en préfecture, ni de provocation publique à la haine ou à la violence en raison de l'orientation sexuelle des drag-queens chargées de la lecture ce jour-là.
Les tracts avaient été violemment distribués, plaqués sur le torse, jetés au visage des participants. Les enfants n'avaient pas assisté à ces scènes, puisque la manifestation illégale s'était tenue à l'extérieur.
« Je porte un message politique, je ne vise pas des personnes, mais simplement des idéologies », a déclaré le jeune homme, aussi jugé pour avoir proféré des injures publiques envers la mairie et l'édile.
La maire de la commune a déploré à l'audience du tribunal correctionnel de Rennes que le jeune homme, qui préparait l'an dernier le concours d'entrée à l'École nationale d'administration (ENA), n'ait pas remis en question ce que tous, enfants, parents, la bibliothécaire et elle-même ont ressenti ce jour-là.
Pour le procureur de la République, il ne fait aucun doute que le jeune prévenu était parmi les organisateurs de cette manifestation, avant qu'elle ne se tienne. Selon le magistrat, il a continué d'en assumer la direction, l'organisation, la conduite, en lisant au mégaphone un texte dont on va faire semblant de croire qu'il n'en a pas écrit une ligne. Il a donc requis une peine de six mois de prison ferme à l'encontre du jeune homme.
Depuis ces événements, l'étudiant est traqué et recherché, a rappelé son avocat. Plusieurs militants d'extrême-gauche l'attendaient devant la Cité judiciaire au début de l'audience de ce lundi, à 14h.
L'avocat a plaidé que les propos étaient outrageants et excessifs, mais qu'il n'y avait pas de provocation publique à la haine. Il a donc demandé aux juges de prononcer la relaxe totale de son client.
Le tribunal, qui a mis sa décision en délibéré, se prononcera dans un mois.