Le label « Architecture contemporaine remarquable » a pour objectif de mettre en valeur des bâtiments relativement récents, souvent oubliés du grand public, mais dont l'histoire mérite d'être racontée. En Centre-Val de Loire, 177 sites ont été labellisés dans le but de se faire une place au milieu du riche patrimoine régional.
Il s'agit notamment des écoles modernes des années 30 à 50, symboles d'une époque, des programmes de construction de masse après les guerres mondiales, ou encore des folies architecturales de la deuxième moitié du XXe siècle.
Ce label, créé par le ministère de la Culture en 2016, succède au label « Patrimoine du XXe siècle » et a un fonctionnement légèrement différent. En France, 1 392 ensembles architecturaux ont été labellisés, dont 177 en Centre-Val de Loire. Parmi ces bâtiments, on retrouve la maison Bourian de Bourges, la station de radioastronomie de Nançay en Sologne, la préfecture de Chartres ou encore la piscine tournesol de Chabris.
Le but de ce label est de faire connaître l'architecture récente au grand public, ainsi que l'architecture du quotidien. Il s'agit d'une forme de sensibilisation constante, qui se traduit notamment par l'apposition d'une plaque spéciale sur les édifices labellisés afin de les signaler. La direction régionale des affaires culturelles prévoit également une série de publications sur le patrimoine contemporain de la région.
Malgré cela, ces bâtiments labellisés restent souvent méconnus du grand public. Par exemple, l'îlot n°4 d'Orléans, un immeuble situé en plein centre-ville, est labélisé ACR mais est moins connu que la statue de Jeanne d'Arc qui se trouve sur la place du Martroi.
Cet îlot, en apparence banal, est pourtant labélisé ACR, tout comme quatre autres îlots voisins. Ce sont des constructions d'après-guerre, érigées après les destructions causées par les bombardements pendant la Seconde Guerre mondiale. Ces reconstructions ont été réalisées en conservant la structure des îlots de la ville, en agrandissant les rues et les carrefours pour plus d'aération et en préservant la forme approximative des rues médiévales.
La reconstruction d'Orléans sur ces principes hygiénistes visait à rendre la ville plus saine pour éliminer les maladies, notamment la tuberculose, en évitant la promiscuité. Pol Abraham, l'architecte chargé de cette reconstruction, a choisi de garder une forme de néoclassicisme pour ses îlots, en utilisant notamment de l'acier. Il a réalisé un îlot d'expérience, le premier d'Orléans, en utilisant un grand plateau de béton. Pour donner l'illusion de plusieurs immeubles mitoyens, il a varié les gabarits des toitures et des fenêtres en façade. Ces îlots de la reconstruction d'Orléans sont un cas unique en France, associant standardisation et artisanat local.
Le label ACR est attribué en fonction de plusieurs critères tels que la singularité, l'innovation, la notoriété, la participation à une politique publique ou encore l'appartenance à un mouvement architectural précis. Le processus de sélection passe par différents groupes d'experts et d'étude, puis par une commission régionale pour le patrimoine et l'architecture.
Dans le cas des cités-jardins de Tours, labellisées ACR, ce sont des principes venus d'Angleterre qui ont inspiré leur construction dans les années 20 et 30. Ces cités-jardins proposaient un habitat bon marché avec un certain confort pour l'époque. Elles étaient nécessaires dans une ville non industrielle comme Tours, où l'intervention de la force publique était indispensable pour construire des logements ouvriers.
La cité-jardin des Bords de Loire à Tours, par exemple, est composée de trois immeubles entourés d'un parc central, avec quelques maisons individuelles et des jardins locatifs. Elle permettait d'avoir un espace extérieur, ce qui était rare à l'époque. Cette cité-jardin et d'autres ont été rénovées récemment par Tours Habitat, le bailleur de la ville, pour remettre ces habitations vieillissantes aux normes et les préserver.
Cependant, le label ACR n'assure pas automatiquement la protection des bâtiments. Un édifice labellisé peut être rénové ou même détruit sans que l'État n'ait son mot à dire. Seul le propriétaire est tenu d'informer la Drac de ses projets de travaux, mais cet avis est purement consultatif. Cette absence de contraintes est critiquée par les architectes du patrimoine, car elle ne permet pas une conservation satisfaisante des lieux.
En ce qui concerne les cités-jardins de Tours, le label ACR pourrait être suivi d'un classement en tant que monument historique une fois les 100 ans passés. Cependant, ce classement est complexe à obtenir, notamment pour l'habitat collectif qui nécessite des entretiens réguliers et des restaurations importantes. De plus, les subventions pour la restauration de ces édifices labellisés sont souvent insuffisantes.
C'est le cas de l'ancien cinéma « Le Familia » à Azay-le-Rideau en Indre-et-Loire, également labellisé ACR. Ce bâtiment, datant des années 30, est à l'abandon depuis 1997 faute de rentabilité. Il n'a jamais été rénové et est aujourd'hui en très mauvais état. Malgré les souvenirs des habitants et l'importance de ce bâtiment dans le patrimoine d'Azay-le-Rideau, aucune solution concrète n'a été trouvée pour le sauvegarder.
Malgré les difficultés, le label ACR continue de s'étendre. Depuis 2019, le nombre d'édifices labellisés en Centre-Val de Loire est passé de 78 à 177. De nouveaux sites pourraient même recevoir le label d'ici la fin de l'année.