Un os d'un bébé homo sapiens a été découvert dans l'une des grottes d'Arcy-sur-Cure, dans l'Yonne. Cette découverte est surprenante car jusqu'à présent, seuls des fossiles Néandertaliens avaient été retrouvés dans ces grottes. Les paléoanthropologues ont fait cette découverte dans le cadre de travaux dirigés par Bruno Maureille, directeur de recherche au CNRS. André Leroi-Gourhan avait déjà découvert des fossiles humains entre 1949 et 1963, mais la grotte du Renne était surtout connue pour abriter des restes de Néandertaliens. Selon Bruno Maureille, les individus découverts dans cette grotte auraient vécu entre 45 000 et 40 000 ans avant notre ère.
Bruno Maureille nous raconte les détails de cette découverte. Les fouilles d'André Leroi-Gourhan n'avaient jamais été synthétisées auparavant, c'est pourquoi ses élèves ont entrepris de le faire, en réalisant une monographie publiée dans la revue Paleo. Bruno Maureille s'est impliqué dans ce projet en 2018, car il manquait un chapitre sur les restes humains. En examinant les vestiges, il a remarqué un petit os du bassin d'un bébé qui ne correspondait pas à ce qui était attendu pour un Néandertalien. Sa morphologie était très différente, plus courte et circulaire, alors que celle d'un Néandertalien est plutôt ovale. Pour en avoir la certitude, une vérification était nécessaire.
Un protocole a été mis en place pour confirmer cette hypothèse. Bruno Maureille a proposé à Arthur Gicqueau de travailler sur cette question. Grâce à des collections d'ilions périnataux provenant du Soudan et de la France, ils ont pu réaliser une analyse statistique de la morphologie en 3D. Ils ont constaté que les ossements des Néandertaliens étaient en périphérie des mesures de l'homme moderne, tandis que l'ilion découvert se trouvait à l'opposé. De plus, sur les os des Néandertaliens, bébés ou adultes, il y avait une caractéristique au niveau de l'artère fémorale qui n'était pas présente sur cet autre fossile. Il ne pouvait donc pas être un Néandertalien, ni un homme moderne.
Les conclusions de ces recherches sont multiples. La première hypothèse est celle d'un mélange de groupes humains. Néandertaliens et homo sapiens auraient pu cohabiter au même endroit et à la même période. Si l'on suppose que l'ilion découvert est associé à la culture du Châtelperronien, attribuée aux Néandertaliens, cela est possible. Il est également possible que les deux groupes aient fréquenté la cavité de manière alternée. Cependant, il n'est pas certain chronologiquement que cet os soit plus récent ou plus ancien que les Néandertaliens.
Cette découverte souligne l'importance de la recherche, même avec des ossements de petite taille. Bruno Maureille affirme que cela peut faire avancer la science sur un sujet. En ce qui concerne les fossiles humains, Juliette Henrion réalise actuellement une thèse sur l'ensemble des restes humains trouvés à Arcy, ce qui n'avait jamais été fait auparavant. Il y a environ 150 pièces dans l'ensemble des grottes et sa thèse devrait être achevée d'ici fin 2024.