Polémique : multiplication des panneaux photovoltaïques dans les champs, débat agricole

Lounes

Au Salon -Ovin de Bellac (Haute-Vienne), vingt-cinq spécialistes du photovoltaïque sont présents pour démarcher les éleveurs. Avec la loi sur l'accélération des énergies renouvelables, le marché est devenu concurrentiel. Cependant, cette nouvelle ne fait pas l'unanimité parmi les éleveurs.

L'agrivoltaïsme est la nouvelle tendance du moment : la coexistence de la alimentaire et de la production d'électricité renouvelable. Du moins, c'est ce que promettent les sociétés spécialisées dans ce domaine.

Au Salon Tech-Ovin de Bellac, le seul rendez- national dédié à l'élevage ovin en France, les stands dédiés à l'énergie solaire se multiplient : il y en a vingt-cinq pour cette treizième édition, contre seulement deux il y a deux ans.

La loi relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, adoptée le 7 février 2023 par le Parlement, instaure un cadre légal à l'agrivoltaïsme pour la première fois.

L'idée est de déployer des panneaux solaires dans les champs en maintenant l'activité agricole. Cette pratique présente plusieurs avantages :

– Améliorer le potentiel agronomique des parcelles ;
– Aider les agriculteurs à s'adapter au changement climatique ;
– Protéger les cultures et les élevages des aléas climatiques ;
– Améliorer le bien-être animal, dans le cas où les panneaux photovoltaïques surélevés permettent aux animaux de se protéger du soleil.

Depuis la mise en place de cette loi, de nombreuses sociétés se lancent dans cette nouvelle activité : « Nous sommes présents sur le salon depuis deux ans déjà, mais depuis que la loi est passée, nous constatons un grand intérêt des acteurs de l'énergie pour ce marché. C'est effectivement un bon compromis pour les éleveurs », explique Serge Comboroure, chargé de pour la société DVP Solar.

Les éleveurs ovins sont courtisés, et dans un contexte de crise du secteur, les offres sont très attrayantes. Sébastien Brimaud, éleveur en Haute-Vienne, reconnaît que c'est une bonne opportunité pour les éleveurs ou les jeunes qui s'installent. Il possède un troupeau de 150 brebis, des porcs fermiers et une trentaine de , mais sa ferme en pierre a besoin de rénovations, et cela pourrait l'aider.

Pour les propriétaires fonciers, les loyers peuvent varier de 1 500 à 5 000 euros par hectare et par an. Serge Comboroure précise : « Ce sont parfois des sommes astronomiques. Chaque développeur a sa propre politique. »

Certains éleveurs, comme Sylvain Tilleul, éleveur de brebis limousines dans la Creuse, ont été sollicités à plusieurs reprises. Il raconte : « Nous avons affaire à ce que nous pourrions appeler des commerciaux sur le salon. Nous sommes démarchés, les promoteurs viennent nous dire qu'ils ont repéré sur les cadastres une terre intéressante, et le loyer est significatif. Nous avons une marge peu élevée et nous bénéficions actuellement du soutien de la PAC, donc nous ne sommes pas intéressés. »

Cependant, il y en a qui sont convaincus de la pratique. Richard Judickael, éleveur en Creuse, n'est pas propriétaire, mais il possède un parc photovoltaïque de quarante hectares depuis 2014. Quarante autres hectares sont en construction pour 2024. Il explique : « On me propose 180 euros par hectare par mois pour l'entretien, comme un fermage. Et tout se passe très bien. Mes brebis peuvent paître à l'ombre sous les panneaux. »

L'agrivoltaïsme ne fait pas l'unanimité au sein de la profession agricole. La Confédération paysanne considère que cela n'est pas différent du photovoltaïsme au sol, et ces pratiques ont des effets pervers sur la filière. Hugo Bourdin, administrateur de la Confédération paysanne et éleveur dans les Monts de Blond, craint que la production énergétique ne remplace la production agricole à long terme. Il redoute également la précarisation des paysans, la spéculation foncière, la dégradation des paysages et la menace pour la biodiversité.

Les chambres d'Agriculture doivent encore donner leur avis et des recommandations, notamment sur l'encadrement des loyers. Les décrets relatifs à la loi d'Accélération de la production d'énergies renouvelables se font attendre.